La Recommandation 35 du GAFI
Sanctions
6/19/20254 min temps de lecture


Introduction
Dans l'arsenal normatif international de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC/FT), la Recommandation 35 du Groupe d'action financière (GAFI) occupe une place centrale. Cette norme, qui traite spécifiquement des sanctions, constitue l'épine dorsale du système répressif permettant d'assurer l'effectivité des mesures préventives prévues par les autres recommandations du GAFI.
La Recommandation 35 : Contenu et Portée
Le Principe Fondamental
La Recommandation 35 énonce un principe simple mais fondamental : les pays doivent s'assurer qu'il existe un éventail de sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives, qu'elles soient pénales, civiles ou administratives, applicables aux personnes physiques ou morales visées par les Recommandations 6 et 8 à 23 qui ne respectent pas les exigences de LBC/FT.
Cette formulation souligne trois caractéristiques essentielles que doivent revêtir les sanctions :
1. L'efficacité : Les sanctions doivent produire l'effet recherché, c'est-à-dire corriger le comportement non conforme et prévenir sa récidive.
2. La proportionnalité : Les sanctions doivent être adaptées à la gravité de la violation et aux circonstances de l'espèce, évitant ainsi les excès punitifs.
3. Le caractère dissuasif : Les sanctions doivent être suffisamment sévères pour décourager les violations futures, tant pour l'entité sanctionnée que pour l'ensemble du secteur.
Champ d'Application Personnel
La Recommandation 35 précise que les sanctions doivent s'appliquer non seulement aux institutions financières et aux entreprises et professions non financières désignées (EPNFD), mais également à leurs dirigeants et cadres supérieurs. Cette extension de la responsabilité individuelle renforce l'effectivité du système en évitant que les personnes physiques échappent aux conséquences de leurs manquements.
Diversité des Régimes de Sanctions
Le texte prévoit expressément que les sanctions peuvent être de nature pénale, civile ou administrative. Cette diversité permet aux États d'adapter leur approche selon leur tradition juridique et de graduer leur réponse en fonction de la gravité des violations.
L'Application Pratique de la Recommandation 35
Dans les Évaluations Mutuelles
L'importance de la Recommandation 35 se mesure notamment à travers les évaluations mutuelles conduites par le GAFI. Ces évaluations analysent la conformité technique des pays aux recommandations et l'efficacité de leurs systèmes de LBC/FT.
Les résultats d'évaluation révèlent des disparités importantes entre les pays. Certains, comme l'Arabie Saoudite, ont progressé pour atteindre une notation "conforme" (C) sur cette recommandation, tandis que d'autres, comme la Suisse, maintiennent une notation "partiellement conforme" (PC), témoignant de déficiences persistantes dans leur régime de sanctions.
Les Défis de Mise en Œuvre
La mise en œuvre effective de la Recommandation 35 soulève plusieurs défis pratiques :
Le calibrage des sanctions : Trouver l'équilibre entre des sanctions suffisamment dissuasives et proportionnées aux violations constitue un exercice délicat. Des sanctions trop faibles perdent leur effet dissuasif, tandis que des sanctions excessives peuvent être contestées devant les juridictions.
La cohérence intersectorielle : Assurer une approche cohérente des sanctions entre les différents secteurs (bancaire, assurance, EPNFD) nécessite une coordination étroite entre les autorités de supervision.
L'effectivité de l'application : Au-delà de l'existence de textes prévoyant des sanctions, l'enjeu réside dans leur application effective par les autorités compétentes.
L'Évolution du Cadre Sanctionneur
Vers une Approche Basée sur les Risques
Conformément à l'approche générale du GAFI, les sanctions doivent s'inscrire dans une logique basée sur les risques. Cette approche implique que la sévérité des sanctions soit modulée en fonction du niveau de risque de blanchiment et de financement du terrorisme présenté par l'entité ou l'activité concernée.
L'Intégration des Nouvelles Menaces
Le cadre sanctionneur doit évoluer pour intégrer les nouvelles menaces identifiées par le GAFI, notamment celles liées aux actifs virtuels, aux nouvelles technologies de paiement et aux schémas complexes d'évasion des sanctions. Cette adaptation nécessite une mise à jour régulière des dispositifs nationaux.
La Dimension Internationale
La Recommandation 35 s'articule avec les mesures de coopération internationale prévues par d'autres recommandations du GAFI. Les sanctions nationales doivent ainsi être compatibles avec les mécanismes d'entraide judiciaire et d'échange d'informations entre autorités.
Les Perspectives d'Évolution
Vers une Harmonisation Renforcée
Les travaux actuels du GAFI s'orientent vers une harmonisation renforcée des pratiques sanctionnatrices entre les pays membres. Cette harmonisation vise à éviter les arbitrages réglementaires et à renforcer l'effectivité globale du système de LBC/FT.
L'Impact de la Digitalisation
La digitalisation croissante des services financiers pose de nouveaux défis pour l'application des sanctions. Les autorités doivent adapter leurs outils et leurs méthodes pour sanctionner efficacement les violations dans l'environnement numérique.
La Responsabilité des Personnes Morales
L'évolution du droit international tend vers un renforcement de la responsabilité des personnes morales. Cette tendance influence l'interprétation et l'application de la Recommandation 35, notamment concernant les sanctions applicables aux institutions financières.
Conclusion
La Recommandation 35 du GAFI constitue un élément indispensable de l'architecture internationale de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Son efficacité repose sur la capacité des États à concevoir et mettre en œuvre des régimes de sanctions qui soient à la fois dissuasifs, proportionnés et effectifs.
Les défis actuels liés à l'évolution des menaces et à la transformation digitale du secteur financier nécessitent une adaptation continue des dispositifs sanctionnateurs. Dans ce contexte, la Recommandation 35 demeure un guide essentiel pour les autorités nationales dans leur mission de protection de l'intégrité du système financier international.
L'analyse des évaluations mutuelles récentes montre que, malgré les progrès accomplis, des efforts significatifs restent nécessaires dans de nombreux pays pour atteindre une conformité pleine et effective avec cette recommandation fondamentale. L'enjeu est de taille : il s'agit de préserver la crédibilité et l'efficacité de l'ensemble du système international de LBC/FT.
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