La Recommandation 37 du GAFI
Entraide Judiciaire Internationale
6/30/20256 min temps de lecture


Introduction
La Recommandation 37 du Groupe d'action financière (GAFI) constitue l'un des piliers essentiels de la coopération internationale dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC/FT). Cette recommandation, dédiée à l'entraide judiciaire, établit le cadre normatif permettant aux États de coopérer efficacement dans leurs enquêtes, poursuites et procédures pénales transfrontalières.
Le Principe Fondamental de la Recommandation 37
L'Obligation d'Assistance la Plus Large
Les pays doivent rapidement, constructivement et efficacement fournir la gamme la plus large possible d'entraide judiciaire en relation avec les enquêtes, poursuites et procédures relatives au blanchiment de capitaux, aux infractions sous-jacentes associées et au financement du terrorisme.
Cette formulation souligne trois aspects cruciaux :
La rapidité : Les demandes doivent être traitées dans les meilleurs délais
L'approche constructive : Les États doivent adopter une attitude coopérative
L'efficacité : L'assistance doit produire les résultats attendus
La Base Juridique Adéquate
Les pays doivent avoir une base juridique adéquate pour fournir l'assistance et, le cas échéant, avoir en place des traités, arrangements ou autres mécanismes pour renforcer la coopération.
Les Exigences Opérationnelles Clés
1. L'Absence de Restrictions Déraisonnables
La Recommandation 37 exige que les pays n'interdisent pas ou ne placent pas de conditions déraisonnables ou indûment restrictives sur la fourniture de l'entraide judiciaire.
Cette disposition vise à éliminer les obstacles bureaucratiques ou juridiques qui pourraient entraver la coopération internationale. Les États ne peuvent invoquer des conditions trop strictes pour refuser l'entraide.
2. Les Processus Clairs et Efficaces
Les pays doivent s'assurer qu'ils ont des processus clairs et efficaces pour la priorisation en temps opportun et l'exécution des demandes d'entraide judiciaire.
Cette exigence répond à un besoin crucial identifié dans la pratique : les États devant disposer de "procédures claires et efficientes pour l'établissement des priorités et l'exécution en temps opportun des demandes d'entraide judiciaire".
3. L'Autorité Centrale
La recommandation préconise l'utilisation d'une autorité centrale ou d'un autre mécanisme officiel établi pour la transmission et l'exécution efficaces des demandes.
La Question de la Double Incrimination
Un Principe Assoupli
Lorsque la double incrimination est requise pour l'entraide judiciaire, cette exigence doit être considérée comme satisfaite indépendamment du fait que les deux pays placent l'infraction dans la même catégorie d'infraction, ou dénomment l'infraction par la même terminologie, pourvu que les deux pays criminalisent la conduite sous-jacente à l'infraction.
Cette disposition moderne reconnaît que les systèmes juridiques peuvent qualifier différemment des comportements similaires. L'important est que la conduite soit criminalisée dans les deux pays, non que la qualification juridique soit identique.
L'Application Pratique
Dans la pratique, cette approche facilite considérablement la coopération. Par exemple, la double incrimination en matière de délit fiscal qualifié préalable au blanchiment d'argent est interprétée largement par certaines juridictions.
Les Pouvoirs et Techniques d'Investigation
L'Étendue des Pouvoirs Disponibles
La Recommandation 37 exige que les pouvoirs et techniques d'investigation requis sous la Recommandation 31, et tout autre pouvoir et technique d'investigation disponible à leurs autorités compétentes soient également disponibles pour répondre aux demandes d'entraide judiciaire.
Ces pouvoirs incluent notamment :
Tout ce qui concerne la production, la recherche et la saisie d'informations, documents ou preuves (y compris les dossiers financiers) des institutions financières ou autres personnes, et la prise de déclarations de témoins
Une large gamme d'autres pouvoirs et techniques d'investigation
La Compatibilité avec le Cadre Domestique
Les pouvoirs doivent être disponibles si compatible avec leur cadre domestique, en réponse aux demandes directes des autorités judiciaires étrangères.
Les Exigences de Qualité des Demandes
L'Information Complète
Les pays doivent, lors de la formulation de demandes d'entraide judiciaire, faire de leur mieux pour fournir une information factuelle et juridique complète qui permettra une exécution opportune et efficace des demandes, y compris tout besoin d'urgence, et envoyer les demandes en utilisant des moyens expéditifs.
La Préparation Préalable
Les pays doivent, avant d'envoyer les demandes, faire de leur mieux pour s'assurer des exigences légales et formalités pour obtenir l'assistance.
Les Ressources et Standards Professionnels
Les Ressources Adéquates
Les autorités responsables de l'entraide judiciaire (par exemple une Autorité Centrale) doivent être dotées de ressources financières, humaines et techniques adéquates.
Les Standards Professionnels
Les pays doivent avoir en place des processus pour s'assurer que le personnel de ces autorités maintient des standards professionnels élevés, y compris des standards concernant la confidentialité, et doit être de haute intégrité et appropriément qualifié.
La Mise en Œuvre Pratique
L'Exemple de Monaco
La réforme récente du droit monégasque illustre parfaitement l'application de la Recommandation 37. La réforme s'inscrit dans le contexte du processus d'évaluation MONEYVAL du dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme de Monaco, en cours, et de la mise en conformité à la 37e Recommandation – Entraide judiciaire du Groupe d'Action Financière (GAFI).
Les Nouvelles Dispositions
Les nouvelles dispositions monégasques prévoient notamment :
La demande d'entraide des autorités judiciaires étrangères doit être exécutée dans les meilleurs délais
Conformité avec la Recommandation 37 du GAFI qui exige des États la préservation de la confidentialité des demandes d'entraide judiciaire reçues et des informations qu'elles contiennent
La Flexibilité Procédurale
Le droit monégasque prévoit aussi que les Procureur Général ou le juge d'instruction ont néanmoins la faculté de reporter l'exécution de la demande d'entraide si elle risque de nuire à une enquête, une instruction, ou à des poursuites en cours.
Les Défis Contemporains
La Complexification des Affaires
Les affaires de blanchiment modernes impliquent souvent des schémas transnationaux complexes nécessitant une coopération renforcée entre multiples juridictions. La Recommandation 37 doit s'adapter à cette réalité.
Les Technologies Numériques
L'essor des technologies numériques et des cryptoactifs pose de nouveaux défis pour l'entraide judiciaire, notamment en matière de preuve électronique et de localisation des actifs virtuels.
Les Différences de Systèmes Juridiques
Malgré les efforts d'harmonisation, les différences entre systèmes juridiques (common law vs. droit civil) continuent de compliquer la coopération pratique.
L'Articulation avec les Autres Recommandations
Le Lien avec la Recommandation 36
La Recommandation 37 s'appuie sur le cadre conventionnel établi par la Recommandation 36, notamment les conventions de Vienne et de Palerme qui prévoient des mécanismes d'entraide judiciaire.
La Complémentarité avec les Recommandations 38 et 39
La Recommandation 37 forme un triptyque avec les Recommandations 38 (entraide en matière de gel et confiscation) et 39 (extradition), offrant un cadre complet de coopération pénale internationale.
Les Standards de Confidentialité
La Protection des Informations Sensibles
La Recommandation 37 du GAFI exige des États la préservation de la confidentialité des demandes d'entraide judiciaire reçues et des informations qu'elles contiennent.
Cette exigence vise à protéger l'intégrité des enquêtes et à maintenir la confiance entre États coopérants.
La Règle de Spécialité
La règle de la spécialité garantit le respect des conditions d'octroi de l'entraide, en particulier la proportionnalité et la double incrimination. Elle interdit à l'État requérant d'utiliser les pièces transmises pour une procédure autre que celle pour laquelle l'entraide a été initialement octroyée.
Les Perspectives d'Évolution
Vers une Digitalisation de l'Entraide
L'avenir de l'entraide judiciaire s'oriente vers une digitalisation accrue des procédures, permettant des échanges plus rapides et sécurisés entre autorités.
Le Renforcement de l'Harmonisation
Les efforts futurs devront viser une harmonisation plus poussée des procédures et standards, tout en respectant la souveraineté des systèmes juridiques nationaux.
L'Adaptation aux Nouvelles Menaces
La Recommandation 37 devra continuer d'évoluer pour faire face aux nouvelles formes de criminalité financière, notamment dans le domaine cyber et des actifs virtuels.
Conclusion
La Recommandation 37 du GAFI constitue un instrument fondamental de la coopération pénale internationale en matière de LBC/FT. En exigeant une assistance rapide, constructive et efficace, elle établit les standards pour une entraide judiciaire moderne et adaptée aux défis transnationaux de la criminalité financière.
L'efficacité de cette recommandation repose sur plusieurs facteurs clés : une base juridique solide, des processus clairs et efficients, des ressources adéquates et des standards professionnels élevés. L'approche pragmatique adoptée pour la double incrimination facilite la coopération tout en préservant les spécificités des systèmes juridiques nationaux.
Les récentes réformes, comme celle menée par Monaco, démontrent l'impact concret de cette recommandation sur les législations nationales. Elles illustrent également l'importance de maintenir un équilibre entre facilitation de la coopération et protection des droits fondamentaux.
Face aux évolutions technologiques et aux nouvelles formes de criminalité, la Recommandation 37 devra continuer d'évoluer. Son succès dépendra de la capacité des États à maintenir un engagement fort en faveur de la coopération internationale, tout en adaptant leurs mécanismes aux réalités contemporaines de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.
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